Dans les démocraties parlementaires, dont le Canada fait partie et qui sont dépourvues de l’élection directe du premier ministre, les débats constituent une occasion pour les chefs des partis d’accroître les chances de leur formation de bien faire lors des élections. Dans les démocraties présidentielles, comme les États-Unis, les débats électoraux permettent aux candidats de se montrer dignes de l’appui des électeurs. Dans un cas comme dans l’autre, les débats représentent un élément important des campagnes électorales.
Bien qu’à l’échelle mondiale les débats partagent certains objectifs, ils se distinguent aussi les uns des autres sur le plan de la structure et de l’organisation. Les organismes qui sont responsables des débats ou de leur organisation peuvent prendre la forme d’un seul organisme ou d’une coalition d’organismes non gouvernementaux, d’autorités électorales, d’organismes de réglementation des médias ou d’associations du domaine médiatique. Toutefois, peu importe leur forme, les débats se doivent d’être impartiaux et indépendants. Leur réputation et leur crédibilité doivent suffire pour que les débats soient appuyés par les candidats, le public et les médias.
Les organisateurs s’appuient souvent sur des critères prédéterminés pour établir les candidats qui seront invités aux débats. En voici quelques exemples :
- preuve de soutien populaire selon les sondages, probabilité de former le gouvernement ou pourcentage de soutien aux élections précédentes (afin de demeurer un parti établi et soutenu);
- structure interne du parti et présence à l’assemblée législative, ce qui confirme que le parti est une force politique organisée et active;
- admissibilité des candidats;
- engagement en matière de gouvernance ou de non-violence.
Même si de tels critères ne sont pas utilisés de manière explicite, les organismes responsables des débats et les partis politiques y font souvent référence durant le processus permettant de déterminer les participants.
Australie
En Australie, les débats sont organisés par divers organes de presse. Jusqu’ici, seuls les chefs du parti travailliste et du parti libéral ont eu droit de participer aux débats des chefs, malgré de petites réussites électorales d’autres partis qui ont suscité des demandes d’inviter d’autres participants. Le nombre de débats par campagne électorale fluctue, avec trois débats en 1993, 2013, 2016 et 2019 et un seul débat lors des élections de 1990, 1998, 2001, 2007 et 2010. Un projet de loi prévoyant la création d’une commission indépendante chargée de régir les débats a été défait en 2013, mais les chefs des deux principaux partis ont récemment indiqué être en faveur de l’idée.
France
On diffuse des débats présidentiels en France depuis 1974, et sans interruption sauf pour les présidentielles de 2002, le président sortant Jacques Chirac ayant refusé de participer à un débat devant l’opposer à Jean-Marie Le Pen, chef du Front national. L’organisme national de réglementation des diffuseurs a le mandat de veiller à ce que les débats électoraux offrent une quantité égale de temps à tous les candidats durant certaines périodes de la campagne, conformément aux lois françaises qui régissent la couverture des élections. Puisque la France fait appel à un système à deux tours, un grand nombre de candidats devant être réduit à deux pour le vote final, pour élire son président, on a traditionnellement organisé des débats uniquement avant la ronde ultime. De cette façon, les participants admissibles sont clairs, et il est facile de séparer également le temps au micro. On a toutefois organisé un débat de première ronde en 2017 auquel ont participé les cinq candidats qui avaient les meilleurs résultats dans les sondages à ce moment.
Allemagne
En Allemagne, on a lancé en 2002 des débats télévisés dans un format de duel auquel ne sont invités que les chefs des deux principaux partis, l’Union chrétienne-démocrate et le Parti social-démocrate. La participation au duel télévisé se fonde sur des tests établissant le succès passé et présent des partis et sur des projections. En 2013, un débat appelé « Elephantenrunden » (ronde éléphant) a été organisé et ajouté au « duel télévisé » afin que participent les chefs de tous les partis détenant un siège au Bundestag; les chefs des deux principaux partis ont plutôt choisi d’envoyer un représentant de haut niveau.
Jamaïque
Les débats politiques locaux et nationaux sont organisés par une commission nationale en Jamaïque. Cette commission a été créée en 2002, sous forme d’un organisme de bienfaisance officiel, dans le cadre d’un partenariat entre la chambre de commerce de Jamaïque et une association des médias jamaïcains. En 2002, 2007 et 2011, la commission a organisé trois débats électoraux : un sur les enjeux sociaux, un sur les questions économiques et un dernier entre les chefs des partis.
La diffusion des débats est entièrement financée par le secteur privé, sans soutien gouvernemental. L’intégralité des débats a opposé deux partis, mais d’autres partis pourraient y participer pourvu qu’ils aient une constitution écrite et qu’ils aient obtenu plus de 10 % des votes exprimés lors de la dernière élection, ou qu’ils aient obtenu un soutien national de 15 % dans le cadre d’un sondage national reconnu.
Espagne
Les débats télévisés entre les chefs des deux principaux partis ont fait un retour en politique espagnole en 2008, après une pause qui a commencé en 1993. Ils sont organisés par l’académie télévisuelle et diffusés par des chaînes publiques et privées. Il y a eu quatre débats lors de la campagne électorale de 2015, soit deux organisés par des chaînes de télévision, un organisé par le quotidien El Pais et un autre organisé à une université par un groupe d’étudiants. Par contre, le premier ministre n’a accepté de participer qu’à un seul des débats télévisés. Bien que les entreprises médiatiques soient les principales responsables de l’organisation des débats, la commission électorale espagnole détient le pouvoir de déterminer l’admissibilité des participants. Malgré que le diffuseur Atresmedia ait invité le parti Vox, la commission électorale a établi qu’aucun représentant de ce parti ne pourrait participer à un débat télévisé, « car le parti ne détient aucun siège au parlement national et n’a obtenu qu’un très faible pourcentage des votes lors de la dernière élection générale [TRADUCTION] ».
Mexique
Au Mexique, on exige que deux débats aient lieu avant les élections présidentielles, mais les candidats ne sont pas obligés de participer à ces débats. En règle générale, les débats sont organisés par l’institut électoral national (auparavant l’institut électoral fédéral), l’organisme gouvernemental indépendant responsable de l’organisation des élections fédérales. C’est l’institut qui négocie avec les réseaux de télévision et autres médias pour prévoir la diffusion des débats auxquels les réseaux obtiennent par ailleurs un accès gratuit. Les débats sont également diffusés en ligne, notamment en temps réel sur Facebook Live. Le format des débats a été appelé à changer en réaction à des critiques, et d’autres entités, par exemple le mouvement étudiant appelé Yosoy132, ont déjà organisé des débats.
Trinité-et-Tobago
La chambre de l’industrie et du commerce a créé en 2010 la commission des débats de Trinité-et-Tobago, un organisme autonome et indépendant chargé d’organiser les débats électoraux et de veiller à ce que les débats s’établissent dans le processus démocratique. Pour participer aux débats, un parti doit présenter des candidats pour au moins la moitié des sièges disponibles ou obtenir un soutien de 12,5 % selon les sondages récents.
La commission n’a aucun statut juridique et ne peut compter sur aucun soutien gouvernemental (Kumar 2018). Sans un statut particulier et sans de solides partenariats avec les médias, la commission n’a pas réussi à organiser un débat des chefs national, bien qu’elle ait organisé divers débats des chefs à l’échelle locale et provinciale. À Trinité-et-Tobago, ce sont des entreprises et des dons du public qui financent l’organisation et la diffusion des débats.
Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, on a récemment adopté les débats télévisés durant la campagne. En 2010, les chefs des partis travailliste, conservateur et libéral-démocrate ont participé aux trois premiers débats télévisés du Royaume-Uni. Puisqu’on interdit les publicités politiques à la télévision au R.-U., les débats constituent un important outil pour les candidats qui désirent se faire connaître du public, et faire connaître leur programme par le fait même. Pour les élections de 2015, le format des débats faisait appel à un grand nombre de petits débats, dont un entre les chefs des deux seuls partis qui ne formaient pas le gouvernement, et il n’y a eu qu’un débat télévisé principal auquel participait chacun des sept principaux partis. Au Royaume-Uni, les débats ont lieu en application d’une entente non régie entre les diffuseurs et les partis, ce qui mène à beaucoup de discussions au sujet de la participation aux débats.
États-Unis
Les débats sont organisés par la commission des débats présidentiels, qui négociait initialement avec les candidats présidentiels et leur parti en ce qui a trait au moment, au format et aux animateurs des débats. Depuis 2004, toutefois, la commission ne permet plus aux candidats de mener des négociations sur ces caractéristiques. Elle invite les candidats à participer s’ils sont en lice dans suffisamment d’États pour être susceptibles de gagner l’élection et s’ils obtiennent des appuis supérieurs à 15 % dans un ensemble de cinq sondages nationaux.
Conclusion
Les débats électoraux télévisés dans les démocraties du monde partagent l’objectif d’être diffusés à l’électorat afin que le public puisse mieux connaître les candidats. Ils se distinguent toutefois les uns des autres par l’organisateur et le format du débat, les candidats invités et la place qu’occupent les débats dans la campagne électorale.