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Examen de la norme relative à la participation aux débats

Présenté à la
Commission des débats des chefs

par Nanos Research

Table des matières

1.0 Sommaire

La Commission des débats des chefs était chargée d'organiser et de gérer les deux débats qui ont eu lieu lors de la dernière élection fédérale. Dans le présent document, nous examinons et analysons le processus servant à déterminer les partis qui devraient être invités à participer aux débats.

Pour l'élection fédérale de 2019, la principale question était de savoir s'il était approprié d'inviter un nouveau parti comme le Parti populaire du Canada (PPC) à participer aux débats. La Commission a décidé d'inviter le chef du PPC parce qu'elle est arrivée à la conclusion que le parti avait une chance légitime de gagner des sièges. Nous analysons ici la décision de la Commission dans le contexte de la compétition électorale au Canada en utilisant les résultats de l'élection de 2019 et des élections précédentes. Il s'agit d'une perspective supplémentaire visant à aider la Commission des débats des chefs à prendre des décisions dans l'avenir.

Le rapport s'articule autour des thèmes suivants :

  • Le système électoral et les petits partis – Les règles du jeu sont des facteurs essentiels pour définir les nouveaux partis et les petits partis.
    • Le système majoritaire uninominal à un tour – Le système électoral du Canada ne favorise pas les petits partis. Nous examinons ici une analyse de la tendance historique récente en ce qui concerne le nombre minimum de votes nécessaires pour gagner une circonscription.
    • Partis issus d'un mouvement contre partis issus de l'échec du système de partis – Après avoir pris en compte la nature de la conversion des votes en sièges, nous examinons la différence entre les partis issus d'un mouvement et ceux qui sont considérés comme issus de l'échec du système de partis, en d'autres termes, lorsque les partis échouent à représenter correctement une circonscription clé. Au Canada, le phénomène tend à être régional.
    • Élections à date fixe – Étant donné que la Commission tente d'établir le potentiel de réussite d'un parti avant que la campagne ne débute, nous proposons l'idée que les élections à date fixe limiteront les effets globaux de la campagne.
  • La décision d'inviter le PPC – Après avoir examiné le processus décisionnel utilisé par la Commission, nous analysons la décision par rapport aux résultats réels de l'élection.
    • Le PPC n'a pas converti les votes en sièges – Une analyse de la répartition géographique de l'appui au parti montre un manque évident de base géographique.
    • Une analyse des enquêtes menées dans quatre circonscriptions considérées comme susceptibles d'élire un candidat du PPC – La Commission a fait passer un test basé sur le pourcentage de chaque circonscription disposée à envisager de voter pour le candidat du PPC. À la lumière de la nature du système électoral, un examen des résultats postélectoraux semble indiquer que la norme était trop facile à atteindre et a surestimé la possibilité pour le parti d'élire plusieurs candidats.
  • Les leçons retenues des percées d'autres petits partis – L'expérience du Parti vert, du Bloc québécois (BQ) et du Parti réformiste nous aide à comprendre la possibilité que le PPC gagne des sièges.
    • Parti vert – En l'absence d'une base régionale, le parti n'a pas réussi à remporter de sièges lors de nombreuses élections. Sans surprise, sa part des votes inférieure à 5 % au niveau national ne s'est pas traduite par des sièges. Le parti a eu plus de succès aux élections suivantes alors qu'il avait une force régionale de 10 % ou plus.
    • Bloc Québécois – Exemple classique d'échec du système de partis, l'expérience du BQ met en évidence l'impact d'une base régionale. Avant même le début de la campagne, son potentiel de gagner des sièges était évident, étant donné le fort appui des électeurs au Québec.
    • Parti réformiste – Comme le BQ, le Parti réformiste était clairement sur le point de remporter des sièges et disposait d'une solide base régionale. Finalement, il a fallu deux élections au Parti réformiste pour établir une base. Il n'a pas facilement converti sa présence électorale en sièges.

L'analyse de l'expérience du Parti populaire à la lumière de notre système démocratique et de l'expérience des autres partis conduit à deux éléments que la Commission peut prendre en considération pour évaluer le processus d'inclusion des petits partis aux futurs débats.

  • La force régionale compte. L'ajout d'un critère d'appui populaire régional (ex. une part des votes minimale de 10 %) pour évaluer l'admission au débat des chefs permettrait de mieux saisir la dynamique des petits partis au Canada. Les partis minoritaires sans base régionale ont une très faible probabilité de convertir des votes en sièges.
  • Un niveau d'appui minimal plus élevé devrait être envisagé. Dans certaines circonstances, la Commission peut vouloir continuer à utiliser un test de « volonté d'envisager de voter pour le parti » pour évaluer les chances légitimes d'un parti de gagner un siège. Étant donné que peu de candidats gagnent avec entre 25 et 30 % des voix, une norme relative à la volonté d'envisager de voter pour le parti de 40 % est probablement plus susceptible d'être un indicateur solide de succès électoral.

L'élection fédérale de 2019 a représenté un premier pas positif pour la Commission des débats des chefs vu qu'elle s'est attardée à la meilleure façon d'opérationnaliser les paramètres de participation aux débats des chefs. L'analyse de Nanos semble indiquer qu'en tirant des leçons de l'élection fédérale de 2019, les paramètres de participation peuvent être améliorés. Vous trouverez ci-après un examen plus détaillé des points exposés dans le sommaire.

2.0 Contexte

La Commission des débats des chefs souhaite passer en revue le processus qu'elle a utilisé pour déterminer quels partis devraient être invités à participer aux débats. Pour les débats lors de la campagne électorale de 2019, la principale question était de savoir s'il était approprié d'inviter un nouveau parti tel que le Parti populaire du Canada (PPC). La Commission a décidé d'inviter le PPC même si, au départ, il n'en avait pas été question. Le présent document examine les éléments suivants : le processus utilisé pour inviter le nouveau parti, la véritable performance des partis et le dossier historique des petits partis afin de proposer une série d'observations que la Commission pourra prendre en considération pour formuler ses futures décisions. Aux fins de l'examen, un petit parti est un parti qui ne dispose pas d'un nombre important de sièges à la Chambre des communes.

Le fait de permettre au PPC de participer aux débats n'est pas une expérience. Sa participation aux débats aurait pu avoir un impact sur le résultat de l'élection : elle aurait pu soit aider, soit freiner ses perspectives électorales. Sa présence peut consacrer le parti comme un aspirant sérieux ayant une chance de gagner. Cela peut peut-être aussi permettre de mieux faire connaître la plateforme électorale du parti. À tout le moins, le public peut prendre connaissance de la plateforme, tout comme de la compétence et du caractère du chef, ce qui peut affaiblir l'appui au parti. Ce que nous savons, c'est que la participation aux débats des chefs du PPC n'a pas fait augmenter ses perspectives électorales.

Il faut faire preuve de prudence en concluant simplement que le manque de sièges gagnés est un indicateur que le parti n'aurait pas dû être invité aux débats. Nous pouvons cependant utiliser l'expérience du PPC en 2019 ainsi que celle d'autres petits partis pour évaluer l'affirmation selon laquelle le parti avait une chance légitime de remporter des sièges (plus d'un).

3.0 Le système électoral et les petits partis

I. Nombre minimal de votes pour gagner une circonscription

Le système majoritaire uninominal à un tour du Canada ne favorise pas les petits partis. La proposition selon le principe « le vainqueur emporte tout » dans chaque circonscription signifie que les candidats peuvent être élus sans obtenir la majorité dans la circonscription. Lorsque nous avons examiné les résultats du scrutin dans les circonscriptions pour les élections fédérales de 2004, de 2006, de 2008, de 2010 et de 2015 au Canada, plusieurs statistiques clés ont mis en évidence la difficulté de convertir les votes en sièges.

Un examen des cinq élections a conduit à un certain nombre d'observations clés :

  • Marge de victoire – La marge de victoire moyenne pour les dernières élections examinées se situait entre 18,9 et 22,8 %, tandis que la marge de victoire médiane se situait entre 15,0 et 19,6 %.
  • Appui au gagnant – Le pourcentage moyen d'appui aux candidats gagnants se situait entre 48,6 et 50,4 %, tandis que l'appui médian aux gagnants dans les circonscriptions se situait entre 47,4 et 49,7 %.
  • Minimum requis pour gagner – Le pourcentage le plus bas requis pour gagner au niveau de la circonscription lors des dernières élections se situait entre 26,8 et 32,7 %.

Toutes choses étant égales par ailleurs, un parti « moyen » s'attendant à un niveau d'appui « moyen » pour gagner aurait besoin d'un appui d'environ 45 % pour gagner dans une seule circonscription. Le niveau d'appui le plus bas possible est de 26,8 %, qui a été atteint en 2004 dans la circonscription de Saskatoon–Humboldt. Bien sûr, pour qu'un parti gagne avec un niveau d'appui aussi faible, il faut que trois autres partis concurrents se partagent les 73 % de voix restants.

Tableau - Marge de victoire

Élection

Moyenne de la marge de victoire (P)

Marge de victoire médiane (P)

Appui au gagnant moyen (P)

Appui au gagnant médian (P)

Appui au gagnant le plus faible (P)

Marge pour l'appui au gagnant le plus faible (P)

Circonscription ayant eu la plus faible marge lors d'une élection

Saskatoon–Humboldt

Hull–Aylmer

Gatineau

Vancouver Centre

Pierre-Boucher–Les Patriotes–Verchères

II. Partis issus d'un mouvement contre partis issus de l'échec du système de partis

Nous allons ici examiner deux types de petits partis. Les premiers sont les partis issus de l'échec du système de partis. Un ou tous les grands partis n'arrivent pas à représenter de manière adéquate une grande proportion de Canadiens, dont les sujets de mécontentement sont résolument régionaux. Cela ne veut pas dire que ces partis ne sont pas alimentés par des idées et passionnés par celles-ci. Ce qui arrive, c'est que le large consensus qui sous-tend le parti s'effondre, se fracture.

Les seconds sont les partis issus d'un mouvement. Ici, les idées comptent plus que le succès électoral. Le Parti vert s'inscrirait dans ce moule, tout comme de nombreux petits partis qui proposent des candidats à une charge publique avec peu d'espoir de succès électoral.

Le PPC est sans doute plus proche de cette conception d'un petit parti que d'un parti issu de l'échec du système de partis. Le parti se concentre sur des enjeux particuliers. C'est pourquoi il convient d'examiner comment les partis issus d'un mouvement ont un succès électoral dans un système qui punit les partis qui n'ont pas concentré le vote.

III. Élections à date fixe et effets de la campagne

Nous devons également tenir compte du fait que nous avons des élections à date fixe. Même si des élections anticipées peuvent être organisées, le fait que l'on s'attende à ce que les élections aient lieu régulièrement tous les quatre ans à une date précise signifie que la campagne est effectivement beaucoup plus longue que la période électorale proprement dite. On peut raisonnablement s'attendre à ce que l'impact de la campagne officielle soit moindre lorsque le jour de l'élection est déjà décidé des mois avant la délivrance d'un bref. Seul un nouvel élément d'information ou de réflexion d'importance peut changer radicalement la situation d'un petit parti. Les résultats des sondages préélectoraux donnent une bonne idée des chances de succès d'un petit parti.

4.0 La décision d'inviter le Parti populaire du Canada à participer aux débats en 2019

I. Comment la Commission a-t-elle pris sa décision?

Pour prendre sa décision d'inviter les partis à participer aux débats, la Commission des débats des chefs a défini les conditions suivantes :

Comme le précise la section 2 b) du décret, les invitations à participer aux débats des chefs doivent être transmises « au chef de chaque parti politique qui répond à deux des critères suivants » :

  1. au moment où l'élection générale en cause est déclenchée, le parti est représenté à la Chambre des communes par un député ayant été élu à titre de membre de ce parti;
  2. il a l'intention, de l'avis du commissaire aux débats, de soutenir des candidats dans au moins 90 % des circonscriptions électorales en vue de l'élection générale en cause,
  3. a) ses candidats ont obtenu, lors de l'élection générale précédente, au moins 4 % du nombre de votes validement exprimés ou b) les candidats qu'il appuie ont une véritable possibilité d'être élus lors de l'élection générale en cause, de l'avis du commissaire aux débats, compte tenu du contexte politique récent, des sondages d'opinion publique et des résultats obtenus aux élections générales précédentes. [Remarque : les points a) et b) ont été ajoutés par Nanos]

En fonction de ces critères, six partis ont été invités à participer aux débats; le PPC n'en faisait pas partie. Après avoir reçu des informations complémentaires, la Commission a toutefois décidé d'envoyer une invitation au PPC. Le tableau ci-dessous indique également le nombre de sièges remportés et les critères utilisés pour déterminer la participation aux débats.

Parti Critères de qualification Sièges gagnés aux élections de 2019
Bloc Québécois i. (Députés siégeant à la Chambre); ii. Plus de 4 % des votes lors des élections précédentes 32
Parti conservateur du Canada i. (Députés siégeant à la Chambre); ii. Plus de 4 % des votes lors des élections précédentes 121
Parti vert du Canada i. (Députés siégeant à la Chambre); ii. Proposer des candidats dans au moins 90 % des circonscriptions 3
Parti libéral du Canada i. (Députés siégeant à la Chambre); ii. Plus de 4 % des votes lors des élections précédentes 157
Nouveau Parti démocratique i. (Députés siégeant à la Chambre); ii. Plus de 4 % des votes lors des élections précédentes 24
Parti populaire du Canada ii. Proposer des candidats dans au moins 90 % des circonscriptions; iii. Plus d'un candidat a une chance d'être élu 0

REMARQUE : Un siège a été remporté par une candidate indépendante lors des élections de 2019.

Le PPC était le parti que la Commission devait évaluer plus étroitement étant donné qu'il n'avait pas de succès électoral antérieur qui lui aurait permis d'être qualifié sous les critères i ou iii a). Comme le chef a été élu en tant que conservateur et que le parti n'avait pas présenté de candidats lors des élections précédentes, il n'y avait aucune raison d'inclure le parti à moins qu'il ne respecte les critères ii (présenter une liste complète de candidats >90 %) et iii b) (avoir une chance légitime d'être élu). La Commission a déterminé qu'une chance légitime d'être élu dans plus d'une circonscription était la condition minimale.

Les mots « contexte politique récent » représentent la formulation clé du point iii b). La Commission a, selon ses termes, utilisé les éléments suivants pour déterminer le contexte politique :

  1. les données probantes fournies par le parti en cause concernant ce critère;
  2. la position actuelle dans les sondages d'opinion publique nationaux et les tendances qui s'en dégagent;
  3. les résultats des sondages menés dans les circonscriptions, qu'ils soient publics ou menés à l'interne par le parti, s'ils sont fournis à titre de données probantes par le parti, et les projections par circonscription;
  4. les renseignements reçus d'experts et d'organisations politiques au sujet de la situation dans certaines circonscriptions;
  5. les résultats obtenus par les partis et les candidats aux élections précédentes;
  6. la présence et la visibilité du parti ou de son chef, ou les deux, dans les médias à l'échelle nationale;
  7. le fait qu'un parti représente une tendance ou un mouvement politique contemporain ou qu'il y est sensible;
  8. les résultats des élections partielles fédérales tenues depuis la dernière élection générale;
  9. le nombre de membres du parti;
  10. les fonds recueillis par le parti.Lien à la note de bas [i]

D'après les sondages publiquement disponibles en Beauce, les sondages effectués par la Commission dans quatre circonscriptions potentiellement concurrentes, et les informations sur la collecte de fonds, l'appartenance au parti et la présence des médias, la décision a été prise d'inviter le parti aux débats.

II. Appui au PPC (niveau national et niveau régional)

Dans l'ensemble, le PPC a reçu 1,6 % des votes exprimés et n'a gagné aucun siège. Ce chiffre est inférieur à la moyenne des sondages nationaux tout au long de l'élection, qui se situait généralement entre 2 et 4 %. Néanmoins, la part des votes à l'échelle nationale n'équivaut pas forcément à une victoire dans la circonscription, en particulier dans le cas des partis à vocation régionale. Les forces régionales ou locales peuvent se convertir en sièges.

Le PPC n'a cependant pas bénéficié d'un appui régional ou provincial important. Vous trouverez ci-dessous la répartition des voix par province/territoire lors de l'élection. La part des votes correspond aux résultats des sondages nationaux du début de la campagne. Le PPC n'avait pas de force régionale, ce qui a réduit considérablement sa probabilité de gagner des sièges.

Part des votes pour le PPC par zone géographique

III. Analyse des résultats obtenus par le PPC dans les cinq circonscriptions analysées par la Commission

Pour évaluer la viabilité électorale du Parti populaire, la Commission a notamment examiné les résultats des sondages publiés pour la circonscription de Beauce. Ces sondages laissent entendre que le PPC est viable en Beauce.

Afin de déterminer si le parti avait une chance de gagner dans d'autres circonscriptions, on a commandé des sondages au niveau de la circonscriptionLien à la note de bas [ii] visant à établir la volonté d'envisager de voter pour le PPC dans quatre circonscriptions où le PPC jugeait que les luttes seraient serrées. Dans chaque circonscription, les répondants devaient répondre à la question suivante : « Quelle est la probabilité que vous votiez pour_______, le candidat (ou la candidate) du Parti populaire du Canada dans votre circonscription lors des prochaines élections fédérales? ». [traduction libre]

La volonté d'envisager de voter pour le parti, comme cela a été avancé ailleurs, a l'avantage d'évaluer l'appui potentiel au parti sans poser explicitement la question de l'intention de vote. L'appui potentiel est indépendant de toute considération stratégique que les électeurs pourraient utiliser pour former leur décision finale. Si 40 % des électeurs d'une circonscription envisageaient de voter pour un candidat ou une candidate, cela représenterait la part de vote maximale pour ce parti. Pour obtenir 40 %, il faudrait que chacun agisse en fonction de son examen de la situation. Bien entendu, les gens sont libres d'envisager de voter pour plus d'un parti.

Il est irréaliste de supposer que chaque personne qui songe à voter pour un parti voterait en fait pour ce parti. Ainsi, le résultat final d'un parti sera basé sur le pourcentage de l'électorat qui peut vouloir faire preuve d'ouverture quant à son choix de candidat et songer à voter pour le parti et le pourcentage de l'électorat qui change d'idée entre le moment du sondage et le jour du vote.

La Commission a déterminé que, puisque plus de 25 % de l'électorat de la circonscription était disposé à envisager de voter pour le PPC, celui-ci était un prétendant légitime à l'obtention de plusieurs sièges.

Comme il a déjà été mentionné, un seuil de 25 % est le seuil minimum d'appui des électeurs locaux qui a permis de remporter un siège lors des plus récentes élections fédérales. Pour que le PPC atteigne cette part minimale de votes (25 %), pratiquement tous ceux qui ont indiqué qu'ils envisageraient de voter pour le parti devraient en fait voter pour ce parti. Il s'agissait d'une norme minimale à respecter pour le PPC. Ce seuil de 25 % prévoit également qu'un certain nombre de partis concurrents se partagent effectivement le vote dans un système majoritaire uninominal à un tour.

Le tableau ci-dessous indique le pourcentage de personnes qui envisageraient de voter pour le parti et la part des votes pour le parti dans chaque circonscription. Deux éléments doivent être soulignés :

  • La part des votes n'a pas réussi à rendre les circonscriptions compétitives. Il n'y a qu'à Nipissing–Timiskaming que le parti PPC a obtenu plus de 5 % des voix. En fin de compte, il aurait fallu que moins de la moitié des personnes qui ont affirmé être certaines de voter pour le candidat du PPC votent pour celui-ci pour que le niveau d'appui électoral soit atteint.
  • La Commission a utilisé une interprétation généreuse de la volonté d'envisager de voter. La question a été posée sur une échelle de 4 points, et la Commission a atteint le seuil de 25 % en additionnant le pourcentage de ceux qui ont fourni la réponse suivante : certain de voter, susceptible de voter, et votera possiblement. Étant donné que la probabilité de voter pour le parti augmente avec la force de la conviction, l'agrégation des trois catégories de réponses a permis d'accroître la légitimité concurrentielle du PPC. Par exemple, pour que le PPC obtienne 26 % d'appui à Pickering–Uxbridge, le parti aurait eu besoin que les 9,3 % qui estimaient qu'ils voteraient possiblement pour le candidat ou la candidate du PPC votent de cette façon.
  • Le fait d'atteindre le seuil de 25 % n'offrait pas beaucoup de chances de succès électoral. Même si le parti a obtenu 25 % des voix (ce qui, selon les données de « volonté d'envisager de voter », était peu probable), ses chances de succès électoral étaient mathématiquement encore faibles. Un seul candidat entre 2004 et 2015 a été élu avec 27 % des voix.

Le jour des élections, le PPC n'était compétitif (2e) que dans une seule circonscription (la Beauce). En fait, sa présence dans toutes les circonscriptions n'a même pas eu d'impact sur le choix du candidat gagnant dans chaque circonscription remportée par un pourcentage plus élevé que la part des votes du PPC.

  Nipissing–Timiskaming Etobicoke-Nord Pickering–Uxbridge Charleswood–St.-James–Assiniboia–Headingley
Certain de voter pour ce candidat (ou cette candidate) 11,2 % 15,3 % 11,2 % 10,6 %
Susceptible de voter pour ce candidat (ou cette candidate) 6,1 % 5,2 % 5,4 % 4,4 %
Votera possiblement pour ce candidat (ou cette candidate) 16,9 % 9,4 % 9,3 % 9,5 %
Ne votera pas pour ce candidat (ou cette candidate) 59,0 % 62,2 % 67,9 % 73,2 %
Pas de réponse 6,9 % 7,9 % 6,2 % 2,3 %
         
Net : Parmi les 3 meilleurs 23,0 % 29,9 % 25,9 % 24,5 %
Net : Parmi les 2 meilleurs 17,3 % 20,5 % 16,6 % 15,0 %
         
Part réelle des votes 5,2 % 2,8 % 2,0 % 4,3 %

5.0 Leçons retenues d'autres percées de petits partis

I. Parti vert

Le Parti vert offre une perspective utile sur le processus et les défis auxquels un petit parti doit faire face pour obtenir un succès électoral. Il a remporté des sièges lors de trois élections générales et quelques élections partielles, mais il a fait bonne figure lors d'élections précédentes sans obtenir de siège.

Le défi que représente la conversion des votes en sièges pour les nouveaux partis n'est pas négligeable. En 2008, le Parti vert a remporté 6,5 % des voix au niveau national, mais n'a obtenu aucun siège pour ses efforts. Le même pourcentage de voix en 2019 a conduit à 3 sièges. Lors de trois élections, entre 2004 et 2008, le parti a pu dépasser les 4 % des voix à l'échelle nationale, mais n'a pu remporter de siège.

Part des vois du Parti vert (au niveau national) et sièges gagnés

L'examen de la répartition régionale permet d'expliquer l'incapacité du parti à convertir les votes en sièges. En 2004, les parts de voix provinciales variaient de 2 à 6 %. En 2019, le Parti vert a obtenu des parts de voix à deux chiffres dans six provinces ou territoires. Le fait pour le parti d'atteindre un nombre à deux chiffres ne garantissait pas de sièges dans cette région, mais cela rendait la chose plus probable. En Colombie-Britannique, 8 % des voix ont permis d'élire un candidat en 2011 et un en 2015, tandis que 9 % en 2008 n'ont pas abouti à un succès électoral.

Les partis issus d'un mouvement comme le Parti vert ont des défis importants à relever. Sans une base régionale solide, il n'y a aucune garantie que les votes se transformeront en sièges. En outre, si les grands partis ne font pas d'erreurs qui inciteraient les électeurs à voter pour un autre parti, la trajectoire d'amélioration des petits partis est inégale. Progressivement, au fil de nombreuses élections, les partis peuvent faire des gains, mais c'est toujours une possibilité limitée.

  T.-N.-L. Î.-P.-É. N.-É. N.-B. Qc Ont. Man. Sask. Alb. C.-B. Yn T.N.-O. Nt Total
2019 3 % 21 % 11 % 17 % 4 % 6 % 5 % 3 % 3 % 12 % 10 % 11 % 2 % 7 %
2015 1 % 6 % 3 % 5 % 2 % 3 % 3 % 2 % 3 % 8 % 3 % 3 % 2 % 3 %
2011 1 % 2 % 4 % 3 % 2 % 4 % 4 % 3 % 5 % 8 % 19 % 3 % 2 % 4 %
2008 2 % 5 % 8 % 6 % 3 % 8 % 7 % 6 % 9 % 9 % 13 % 5 % 8 % 7 %
2006 1 % 4 % 3 % 2 % 4 % 5 % 4 % 3 % 7 % 5 % 4 % 2 % 6 % 4 %
2004 2 % 4 % 3 % 3 % 3 % 4 % 3 % 3 % 6 % 6 % 5 % 4 % 3 % 4 %

*les cellules en surbrillance indiquent où le parti a remporté des sièges

À titre d'expérience, il est intéressant de revenir sur les critères d'inclusion tels qu'ils s'appliquent aux élections précédentes. En 2019, le Parti vert s'est qualifié en vertu des critères i. (député à la Chambre des communes) et ii. (propose des candidats dans au moins 90 % des circonscriptions). Il n'avait cependant pas réussi à atteindre le seuil de 4 % d'appui lors des élections précédentes. En fait, il aurait fallu que le parti élise quelqu'un lors des élections générales précédentes pour obtenir une invitation en 2019 et en 2015. Lors des élections précédentes, tant que le parti proposait suffisamment de candidats, il était invité aux débats, même s'il avait peu de chances de faire élire des candidats.

L'expérience du Parti vert donne une meilleure idée du processus par lequel un petit parti convertit des votes en sièges. Premièrement, une part des votes inférieure à 5 % au niveau national a peu de chances de faire élire un candidat. Un chef/politicien peut gagner un siège lorsque son parti est à 5 % ou moins, à condition toutefois que ce soit une personne hors du commun. Deuxièmement, une force régionale de 10 % ou plus est le meilleur indicateur des sièges potentiels.

II. Bloc Québécois (BQ)

Le Bloc Québécois représente un cas classique de perturbation régionale du système des partis. Comme il ne propose jamais de candidats hors Québec, son total de votes nationaux n'est pas particulièrement pertinent, sauf pour comprendre comment un faible vote national peut parfois se traduire en sièges.

Les parts de vote nationales pour le BQ ont fluctué d'un faible 5 % à un fort 14 %. Même à 5 %, le parti a pu remporter 10 sièges. Cependant, les sièges ont été remportés après avoir reçu 19 % des voix dans la région. Mais la transition entre 2008 et 2011 met en évidence un aspect essentiel de la manière dont les votes sont convertis en sièges. Entre 2008 et 2011, la part des voix au Québec est passée de 38 à 23 % (15 points ou 39 %), mais les sièges sont passés de 49 à 4 (une baisse de 92 %). Une fois que les parts de voix régionales descendent en dessous de 25 %, le succès en termes de sièges n'est pas garanti.

Techniquement, le parti n'a pas remporté de sièges avant 1993, mais Gilles Duceppe a été élu lors d'une élection partielle en 1990, un an avant la création légale du parti. Ainsi, le parti qui allait remporter 54 sièges n'aurait pas été qualifié en vertu des règles de la Commission régissant la participation aux débats, car il n'avait pas de candidats élus, ne présentait pas de candidats au niveau national et n'avait pas reçu 4 % des voix (iii a). Bien entendu, il aurait été considéré comme susceptible de remporter des sièges au regard du point iii b.

Un appui politique important était déjà évident au printemps de 1993. Un sondage EnvironicsLien à la note de bas [iii] a révélé que parmi les électeurs décidés, le BQ se situait à 12,5 % au niveau national et à 47 % au Québec.

Part de voix et nobres de sièges du Bloc Québécois

L'expérience du Bloc Québécois souligne l'importance de l'appui régional/provincial. Elle sert également à montrer la dynamique par laquelle les partis traditionnels sont usurpés par un nouveau parti. Enfin, il est important de noter que les possibilités de succès du BQ étaient évidentes bien avant le début de la campagne.

III. Parti réformiste

Le BQ représente la version la plus concentrée au niveau régional d'un nouveau parti né de l'échec du système des partis. Le Parti réformiste est un autre exemple de parti qui a démarré avec un ancrage régional. Créé en 1987, le parti a participé à l'élection de 1988, mais n'a élu aucun député.

  • En 1988, les premiers signes d'un impact régional potentiel étaient évidents. Bien qu'il n'ait remporté aucun siège et qu'il ne soit pas un parti national, il a obtenu 15,4 % des voix en Alberta et 4,8 % en Colombie-Britannique.
  • En juin 1993, une enquête Environics a révélé que parmi les électeurs décidés, 7,4 % voteraient pour le Parti réformiste si l'élection avait lieu aujourd'hui. Quelques mois avant l'élection, le Parti réformiste était également présent dans les régions, avec un appui important au Manitoba et en Saskatchewan (15 %), en Alberta (19 %) et en Colombie-Britannique (19 %)Lien à la note de bas [iv].
  • Les élections de 1993 ont catapulté le parti, qui a remporté 52 sièges. Là encore, la force régionale était évidente. Le parti a remporté 52 % des voix en Alberta.

Nous pouvons tirer plusieurs leçons de l'expérience du Parti réformiste. Premièrement, alors que peu de gens auraient pu prédire l'ampleur du succès électoral de 1993, le parti était clairement sur le point de remporter des sièges. Deuxièmement, sa légitimité électorale était motivée par sa forte base régionale. La dynamique de la campagne a déterminé le résultat final, mais il est clair qu'il y avait une concurrence régionale avant le début de la campagne. Troisièmement, il a fallu deux élections au Parti réformiste pour établir une base suffisamment importante lui permettant légitimement de briguer des sièges. Le fait d'atteindre 15 % des voix en 1988 ne lui a pas permis d'obtenir de sièges, mais a jeté les bases d'un succès ultérieur.

  T.-N.-L. Î.-P.-É. N.-É. N.-B. Qc Ont. Man. Sask. Alb. C.-B. Yn T.N.-O. Nt Total
1988             3,3 %   15 % 5 %       2,1 %
1993 0 % 1 % 13 % 8 % 0 % 20 % 22 % 27 % 52 % 36 % 13 % 8 %   18,8 %
1997 3 % 2 % 10 % 13 % 0 % 19 % 24 % 36 % 55 % 43 % 25 % 12 % 0 % 19,4 %

6.0 Considérations

Les décisions concernant les chefs à inviter aux débats sont importantes pour la santé de notre démocratie. Bien que nous ne formulions pas de recommandations précises, nous présentons ici les observations suivantes que la Commission pourra examiner ultérieurement.

  • La force régionale compte. Les critères d'inclusion actuels ne tiennent pas compte de la situation où un parti qui est fort au niveau régional ne l'est pas au niveau national. On peut ajouter une perspective d'appui populaire régional pour évaluer l'invitation aux débats des chefs. Le BQ n'aurait pas été invité à participer aux débats en 1993 sur la base du processus décisionnel actuel, car il n'avait aucune expérience électorale antérieure et ne présentait pas de candidat ou de candidate dans 90 % ou plus des circonscriptions du Canada. La force régionale est également importante, car les petits partis sans base régionale ont une très faible probabilité de convertir des votes en sièges. L'exigence d'une part de voix minimale (ex. 10 %) dans une province peut être un indicateur utile pour savoir si un siège peut y être remporté.
  • Un niveau d'appui minimal plus élevé devrait être envisagé. En reconnaissant que le total des intentions de vote au niveau provincial ne suffit pas forcément à saisir pleinement un appui local important, la Commission peut vouloir continuer, dans certaines circonstances, à s'appuyer sur un test de « volonté d'envisager de voter pour le parti » pour évaluer les chances légitimes de gagner un siège. La norme utilisée en 2019, cependant, était un strict minimum fondé sur des données historiques récentes. Peu de candidats gagnent avec entre 25 et 30 % des voix. Une norme de 40 % a probablement plus de chances d'être un meilleur indicateur du succès électoral que le minimum possible. L'expérience d'autres petits partis sans base régionale solide, comme le Parti vert, montre qu'il est très peu probable qu'un parti gagne plus d'un siège avec moins de 10 % du vote national.

Date de modification : 1 juin 2020